Dérive antipodale des mots : épicurien

In Pensées pour une saison – Printemps, #109.

Deuxième cas. Au début du IIIe siècle AEC, dans un monde hellénistique bouleversé par les vastes conquêtes d’Alexandre de Macédoine [356-323], l’enseignement prodigué en son jardin par Épicure [341-270] prônait une vie équilibrée, fondée sur la simplicité des besoins, sur le respect de ces besoins, et sur la juste appréciation de la valeur fondamentale de cette simplicité.

La simplicité se révélait une source renouvelée d’harmonie en soi et autour de soi, elle permettait au corps et à l’esprit de s’épanouir. Une vie harmonieuse traitait le corps en allié et clarifiait l’esprit. Dès lors, on pouvait non seulement mieux discerner la réalité matérielle du monde et de ses phénomènes, mais grâce à cette clarté du regard on pouvait contempler la mort pour ce qu’elle était, simplement, et ne plus la craindre inutilement. Un adepte d’Epikouros, ‘ l’allié ’, se comportait ainsi en sage réaliste et paisible, vivant heureux de l’essentiel et fréquentant seuls quelques amis choisis.

En aucune façon ne s’agissait-il d’hédonisme, soit la recherche prioritaire de plaisirs dans la vie, ni de sybaritisme, soit une recherche exagérée de luxe et de luxure – une philosophie, respectivement une culture, ayant réellement existé dans le monde hellénisé, mais en dehors de toute influence et de tout contexte épicuriens. Au sein d’un monde troublé, l’épicurisme connaissait beaucoup de succès, dans toutes les strates de la société, et ce succès lui valait des ennemis. L’amalgame qui fut ainsi fait de “ l’enseignement du jardin ” avec l’hédonisme et le sybaritisme s’avéra une calomnie, répandue à la fin de l’Antiquité par deux idéologies en concurrence avec l’épicurisme, soit le stoïcisme, puis le christianisme.

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