Dérive antipodale des mots : cartésien

In Pensées pour une saison – Printemps, #111.

Quatrième cas. Au début du XVIIe siècle, Descartes [1] avait à cœur de bien conseiller le croyant se voulant bon catholique (quelques années plus tard, son cadet, Pascal, fera de même à l’intention des protestants). Il estimait que, chez celui-ci, le crédit accordé à l’observation et aux messages des sens ne devait, en aucun cas, prendre le pas sur la confiance en l’esprit – i.e. en l’intellect, les sentiments et les bonnes convictions religieuses : ces dernières qualités émanant directement de Dieu, par là ne pouvant induire en erreur. Les raisonnements du penseur spiritualiste, métaphysiques essentiellement, se voulaient destinés à mener le lecteur dans cette direction – en particulier dans la conviction qu’il fallait se méfier des communications des sens et se fier, plutôt, aux réflexions pures de la conscience (« je pense, donc je suis » [2])… à l’instar de Parménide d’Élée, inspirateur de l’idéalisme grec au Ve siècle AEC.

Parce qu’il était intelligent et bon mathématicien, également en raison du titre et du sous-titre de son ouvrage principal (Discours de la méthode – Pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences, 1637), les chrétiens parmi les plus éduqués se forgèrent l’idée que le cartésianisme impliquait… une expression de pensée rigoureusement logique et rationnelle. On aura compris que cela correspondait bien plus aux attentes de la société française de l’époque, qu’aux intentions effectives de l’auteur.

Quatre exemples instructifs sur les détours et aboutissements étranges que peuvent prendre les mots, dans leur sens. C’est troublant, quand des dérives sémantiques se révèlent à ce point antipodales.

[1] Cf. « Système vivant n’est pas machine », texte no 11 de Pensées pour une saison – Hiver.

[2] « […] je pense, donc je suis […] » – Descartes, René [1596-1650], Discours de la méthode, 1637, 4e partie. Cf. infra le texte no 112, « Une promenade langagière autour du syllogisme : syllogisme bien construit ».

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