In Pensées pour une saison – Printemps, #79.
Enfant, je me sentais seul, souvent angoissé dans mon sentiment de solitude complète. J’étais l’objet de crises de panique à l’approche de l’heure fatidique, quand les ombres des tristes tropiques s’allongeaient soudain. La nuit, avec son horreur indicible, allait tomber… d’un coup !
Alors je me glissais, comme un chat, vers des lieux où se tenaient des adultes… l’air de rien. Car il me semblait vital que ma terreur grandissante ne se voie pas.
Je chantonnais, très doucement, pour moi-même, sur un air informe et tremblant :
« Petit chat, petit chat, ne t’en fais pas tant.
Petit chat, petit chat, t’es pas seul au monde. »
J’étais content de ma construction verbale, j’imaginais qu’elle me protégeait.
L’enfant que j’étais devait lutter avec la fierté terrible qui l’animait, ainsi qu’avec l’orgueil qui lui portait noise. Il s’en rendait compte, mais il peinait à porter son regard au loin et à reconnaître qu’il n’était qu’enfant… Que d’histoires il se racontait, prince menacé de royaumes chancelants, phantasmatique et fantomatique… que d’effort il lui fallait, pour voir les autres autrement qu’en futurs sujets.
« Petit chat, petit chat, ne t’en fais pas tant.
Petit chat, petit chat, t’es pas seul au monde ! »
***