Le sopraniste de passage

In Pensées pour une saison – Printemps, #30.

Alors que je déambule sur notre terrain à Kangaroo Island, j’entends un bruit d’ailes : un oiseau s’est posé dans un grand Callistemon étalant généreusement ses fleurs bottlebrush, rouges à anthères jaunes. Je suis aussitôt frappé par un chant mélodieux, très particulier, ne correspondant à rien de connu dans le coin.

Quel oiseau échappé d’une cage pouvait bien se trouver à l’origine de cette inhabituelle merveille sonore ? Perplexe, je discerne le chanteur, mais de dos seulement… et il semble un red wattle-bird !

Pas possible ! Ces derniers, très agressifs à l’égard des autres oiseaux et peu portés sur la poésie, se contentent de grincements et de craquements de voix bien peu harmonieux. Mais là, cet individu chantait avec des accents de merle noir doté d’un coffre puissant !

Abasourdi, je fais le tour de l’arbuste, l’air de rien, afin d’observer de profil ce drôle d’oiseau. Tiens… un nouveau-venu : un little wattle-bird, nom d’espèce Anthochaera chrysoptera, de la famille australasienne des passereaux meliphagidés, ou honey-eaters. Des amateurs de nectar de fleurs.

Je l’écoute avec ravissement, jusqu’à son envol.

Ce fut hélas une première et une dernière. Je suis souvent revenu sur le lieu du miracle, mais je n’ai plus jamais entendu ce chant clair et suave. Mes livres d’ornithologie locale jugent que la voix des individus de l’espèce n’est pas belle… Mais ce personnage, pardon ! quel génie ! Ou alors, une confirmation que les anglo-saxons ont une oreille différente.

Mon épouse, une seule fois, dans le même coin, le vit et l’entendit. Et c’est tout. Qu’es-tu devenu, chanteur de passage ?

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