Un exterminateur de beautés naturelles

In Pensées pour une saison – Hiver, #82.

L’homme, sauf exception sociale ou individuelle, enlaidit irrémédiablement la planète qui a vu apparaître, en son sein, ce véritable cancer écologique. Les plus beaux animaux sont chassés par lui, en premier, jusqu’à extermination. Les plus aimables aussi, d’ailleurs.

Cette extermination, sélective, est le plus souvent présentée comme une expression de vertus insignes : on s’embellit le corps des plus belles dépouilles, marquant sa puissance sociale ; on décore son domicile de trophées, comme autant de signes extérieurs de force et de richesse. À l’instar d’Agamemnon, qui sacrifie sa fille Iphigénie afin que les dieux favorisent son expédition de pillage contre Troie, on tue en offrande divine ce qu’il y a de plus beau ou de plus attachant : les plus belles vierges, les plus beaux animaux. Par la même occasion, on se débarrasse des êtres considérés comme trop beaux, des plus doux, des plus agréables… car ils pourraient, par leur simple existence, amollir l’esprit guerrier, l’esprit religieux ou l’esprit utilitaire.

Les plus beaux poissons, les plus beaux oiseaux, les plus belles tortues, les plus beaux félins, les plus beaux papillons ont ainsi, systématiquement, été exterminés. Par contre, les rats, les méduses urticantes, les cafards et les punaises de lit prolifèrent grâce aux humains.

Les derniers oiseaux chanteurs et les derniers papillons, à présent rarement entendus ou entrevus, nous font rêver d’un passé enchanteur, à jamais disparu. Il en est de même des beaux scarabées et des lucioles. Les insectes et oiseaux pollinisateurs, qui contribuaient au charme d’une planète si joliment fleurie, avant que l’homme ne s’en saisisse entièrement, disparaissent ; seules subsisteront les plantes pollinisées par le vent, en général sans fleurs, ou à fleurs tristes.

Les plus majestueux, les plus grands des arbres, ont été abattus. Victimes idéales, ne pouvant ni fuir, ni se défendre.

De façon générale, les dernières espèces d’un genre donné, survivant encore à l’homme, s’avèrent les moins dotées en beaux attributs : elles sont dépourvues de cornes imposantes, dénuées d’un joli pelage ou de plumes admirables, elles sont sans couleurs chatoyantes, elles n’exposent pas de belles fleurs.

La forme vivante désormais dominante, Homo sapiens, a créé un monde gris, informe et uniforme.

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