Le “sourire grinçant” du capitaine Baudin, par Dr West-Sooby, John

Le “sourire grinçant” du capitaine Baudin

Dr John West-Sooby

University of Adelaide

Australian J. of French Studies, Vol. XLI no. 2, May 2004, pp. 79-97

 

Malgré le grand travail de réhabilitation entrepris par Frank Horner en 1987,[1] le personnage de Nicolas Baudin reste peu connu du grand public.  Pour les Australiens, ses exploits sont loin de valoir ceux de son contemporain Matthew Flinders, bien que l’héroïsme du navigateur français et les travaux scientifiques accomplis par son expédition le placent objectivement sur le même plan que le capitaine anglais.  Le problème réside au moins partiellement dans le fait que très peu de lecteurs—australiens ou français—ont la possibilité de juger l’homme à partir de ses propres dires.  On s’en tient donc encore à l’image peu flatteuse laissée par certains membres de l’expédition qui se sont appliqués à noircir la réputation de leur capitaine—au premier rang desquels il faut compter les zoologistes Bory de Saint-Vincent, dont le Voyage dans les quatre principales îles des mers d’Afrique[2] a eu une influence considérable, et, bien évidemment, François Péron, qui, en composant le récit officiel du voyage,[3] ne s’est pas privé de critiquer sévèrement les capacités de navigateur de son commandant ainsi que sa personnalité.  Par conséquent, à l’époque du bicentenaire du voyage aux Terres Australes, les écrits destinés au grand public continuent d’évoquer l’incompétence ou le mauvais caractère du capitaine Baudin.[4]  Les mythes ont la vie dure.

Or, des travaux récents, qui tiennent compte, justement, des propres écrits de Baudin, ont entrepris de défendre sa réputation de navigateur, d’amateur de science ou d’“observateur de l’homme”.[5]  En ce qui concerne son caractère et ses valeurs, c’est également à cette source qu’il importe de puiser les éléments qui permettraient de brosser un portrait plus complet de cet homme souvent perçu comme grincheux et bourru—sinon le bourreau de ses jeunes et brillants officiers.  En effet, la lecture de son Journal de mer et de sa correspondance révèle que, contrairement à la légende, Baudin était un homme de cœur et surtout d’esprit.  On est particulièrement frappé par l’humour dont il fait souvent preuve, et qui constitue l’un des traits essentiels de son caractère.  Qui plus est, l’humour de Baudin a valeur d’affirmation:  il ne le manie pas uniquement comme une arme pour se défendre de ses ennemis;  ses observations, qu’elles soient ironiques, satiriques ou aigres-douces, lui permettent aussi de réaffirmer ses propres valeurs et de garder sa foi en l’importance de sa mission.  C’est donc en examinant de plus près les traits d’humour et les remarques ironiques du capitaine que nous nous proposons de jeter quelques lumières nouvelles sur son caractère ainsi que sur ses valeurs morales et idéologiques.

Tout d’abord, il importe de distinguer les réflexions personnelles que Baudin consigne dans son Journal et ses interactions directes avec les officiers et les savants de l’expédition.  Ses observations personnelles, qui ont un statut strictement confidentiel, nous donnent des aperçus précieux sur les valeurs qui lui sont chères—nous y reviendrons.  Quant à ses interactions avec les autres—interactions qui sont rapportées tantôt dans son Journal, tantôt dans sa correspondance, mais qui trouvent également des échos dans les écrits des différents membres de l’expédition—, elles en disent long sur la psychologie du capitaine, et plus spécifiquement sur les tensions qui peuvent exister chez lui entre les impératifs de l’autorité et de la discipline d’un côté, et le désir d’éviter les situations conflictuelles de l’autre.  Face à des savants qui n’ont aucune expérience de la mer ou à de jeunes officiers qui le considèrent à bien des égards comme un intrus, Baudin, qui ne craint pas d’imposer son autorité quand il le faut, préfère néanmoins ménager les susceptibilités des uns et des autres en adoptant un ton conciliant ou détaché si la situation s’y prête.  Et c’est précisément par l’emploi de l’humour ou de l’ironie qu’il cherche bien souvent à calmer les esprits et à naviguer entre tous les écueils qui se présentent à lui.

Les commentateurs, en examinant la question des rapports entre le capitaine et ses hommes, n’ont pas manqué d’évoquer l’humour de Baudin, et en particulier sa tendance à s’amuser aux dépens de son état-major et de ses naturalistes.[6]  Cependant, on considère en général que ses plaisanteries sont déplacées et qu’il choisit mal ses cibles—argument qui conforterait la thèse selon laquelle Baudin aurait été doté d’un caractère bizarre, pour ne pas dire farouche.[7]  De telles critiques sont pourtant basées sur des incidents isolés et se révèlent ainsi partielles, pour ne pas dire partiales.  Elles sous-estiment, en tout cas, les intentions bienveillantes qui motivent souvent les plaisanteries du capitaine—plaisanteries qui reflètent son désir de partager un moment de détente ou par lesquelles il cherche parfois à apaiser les tensions.  La légende semble précéder les faits.  Frank Horner lui-même, qu’on aurait pourtant du mal à taxer d’apriorisme, tombe parfois dans le piège dans la mesure où il ne donne pas une vue équilibrée de l’emploi de l’humour par Baudin.  Horner cite en exemple l’entretien, au cours du voyage de Ténérife à l’Ile-de-France, entre Baudin et Milbert, un des peintres officiels de l’expédition.[8]  Lors de l’escale dans les îles Canaries, Baudin avait envoyé au ministre de la Marine, Forfait, une lettre dans laquelle il avait inséré une remarque sur les naturalistes qui rappelait aux autorités—non sans espièglerie—qu’on lui avait obligé d’en embarquer plus qu’il n’en avait voulu:  “Les savants, dont la science ne paraît pas aussi étendue que le nombre le comporte, ont été, comme on devait s’y attendre, malades de mal de mer, mais tous sont rétablis.”[9]  Les officiers et les naturalistes à bord du Géographe en avaient eu vent et s’en étaient offusqués.  Milbert en avait même conçu des craintes pour sa pension, et donc pour la situation de sa famille, si le gouvernement devait en conclure qu’il ne faisait pas son travail.  Sa femme lui manquait d’ailleurs terriblement.  Pour le consoler, et pour lui montrer qu’il n’était pas seul dans sa souffrance, Baudin lui aurait lancé:  “Et moi, vous pensez que je n’ai pas laissé de maîtresse à terre?”[10]  Ce n’était peut-être pas la meilleure réponse à donner à un homme qui avait de toute évidence le sens de la famille.  Mais on peut également considérer que Baudin avait tout simplement sous-estimé la profondeur de l’état de mélancolie de son interlocuteur.

En revanche, un autre incident, encore une fois cité par Frank Horner,[11] semble révéler chez Baudin un certain penchant pour la provocation.  Afin de communiquer à son état-major les instructions concernant la discipline à bord, Baudin a décidé de réunir tout le monde et de lire à haute voix la lettre de Forfait où ces consignes étaient détaillées.  Après avoir fini sa lecture, le commandant a cru bon d’ajouter:  “Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, amen.”  Les officiers, abasourdis, y ont vu une marque d’irrévérence envers leur ministre et s’en sont scandalisés.  Même s’il est permis de ne pas croire totalement à la sincérité de leur réaction, il faut convenir que la plaisanterie de Baudin, si tant est qu’il s’agissait d’une plaisanterie, s’accordait mal avec une situation où il cherchait à promouvoir la cause de la discipline.

A la décharge de Baudin, il faut noter que, contrairement à son expérience lors de ses expéditions précédentes, il avait affaire cette fois-ci à un complément d’officiers et de naturalistes particulièrement sensibles et imbus d’eux-mêmes.  S’il n’a pas toujours résisté à la tentation de les taquiner ou de se moquer d’eux, c’est donc tout à fait compréhensible, sinon pardonnable.  Et toutefois, contrairement à l’image que peuvent créer les deux incidents mentionnés par Horner, Baudin n’était pas insensible aux susceptibilités des hommes qu’il commandait.  A bien d’autres occasions, et surtout dans les premiers temps de l’expédition; les plaisanteries de Baudin paraissent loin d’être méchantes ou déplacées;  elles sont destinées au contraire à mettre les choses en perspective et elles traduisent chez lui un enjouement qui semble tout à fait justifié et convenable.  Face au comportement parfois enfantin des naturalistes, Baudin fait preuve dans ses interventions d’une certaine indulgence paternelle—mêlée, certes, d’une bonne dose d’ironie.  La prise d’un requin, par exemple, provoque une dispute à laquelle Baudin met fin, comme tout parent qui se respecte, en promettant réparation au parti qui s’estime lésé:

Sur les onze heures nous prîmes un requin assez gros et ce fut un grand objet de distraction, surtout pour les savants, qui en voyaient un de vivant pour la première fois.  Peu accoutumés à un semblable spectacle, tous voulurent être au près.  Mais quand il eut donné deux ou trois coups de queue à droite et à gauche, on fut d’autant moins empressés de s’en approcher que quelques-uns manquèrent d’en être la victime, quoiqu’on eût eu soin de les prévenir auparavant de ce qui leur arriverait s’ils n’y allaient pas avec prudence.

Cependant, le citoyen Péron et le chirurgien Lharidon furent plus tenaces que les autres, et quand les matelots l’eurent bien saisi ils se mirent l’un et l’autre à le travailler.  J’étais bien loin de prévoir que ce pauvre requin devait devenir la cause d’une dispute très sérieuse entre les deux anatomistes, qui voulurent se donner la gloire de le travailler.  Mais enfin, comme j’étais à me promener sur le gaillard d’arrière, je vis venir le citoyen Péron tout dégouttant de sang se plaindre que M. Lharidon lui avait enlevé le cœur du requin et qu’il ne voulait, d’après un enlèvement de cette nature, y travailler.  Je fis mon possible pour ne pas rire du sujet de la plainte que le docteur Péron rendait très grave, mais, pour le consoler, je lui promis que le premier que nous prendrions serait pour lui seul et qu’il pouvait compter que personne n’y toucherait qu’avec sa permission.  Le docteur Péron fut consolé par cette promesse et le chirurgien Lharidon resta paisible possesseur du cœur du requin. (6 frimaire an IX—27 novembre 1800)

 

Peu de temps après, la capture d’un marsouin provoque de nouveaux conflits.  Pour Baudin, qui doit faire une nouvelle intervention quasi-parentale, la solution la plus efficace est de soustraire à tout le monde la cause de l’agitation générale:

Tous les naturalistes et autres savants l’entourèrent et chacun voulut dès ce moment en tirer parti.  Les uns demandaient des fanaux, les autres du papier, plusieurs des instruments, de sorte que pour mettre tout le monde d’accord je m’emparai du poisson que je fis suspendre par la queue au grand étau en priant ces messieurs de modérer leur ardeur pour le moment et [en leur assurant] qu’ils auraient du temps de reste dans la journée du lendemain. (10 frimaire an IX—1er décembre 1800)

 

C’est à peine si, dans la description de cette scène, on détecte une pointe d’irritation;  le ton reste essentiellement celui de l’observateur légèrement amusé par le spectacle qui se présente à ses yeux et par les travers humains qui sont ainsi exposés au grand jour.  Malheureusement, la trêve imposée par Baudin s’avère de courte durée:  dès le lendemain matin, tous s’empressent de nouveau pour étudier le poisson suspendu.

Au lever du soleil, les peintres, les naturalistes et les anatomistes ne manquèrent pas de venir faire une visite au marsouin pris la veille, et l’inconvénient qui en résulta fut que tous voulurent le travailler au même moment, de sorte que les dessinateurs, qui le voulaient placer sur le ventre et dans une position propre à en prendre les formes, ne pouvaient s’accorder avec les anatomistes, qui le voulaient sur le dos pour l’ouvrir.  De ce peu d’accord entre tous il en résulta une plainte des uns contre les autres et je me trouvai fort embarrassé pour décider qui avait raison.  Mais les anatomistes terminèrent la dispute car, tandis que les dessinateurs me faisaient leurs plaintes, ils ouvrirent le pauvre poisson et quand les peintres furent de retour à la besogne qu’ils voulaient faire ils ne trouvèrent plus à cet animal aucune des formes dont ils avaient besoin.  Je n’eus d’autre moyen de satisfaire les derniers que de leur promettre, comme je l’avais fait pour le requin, que le premier pris serait entièrement à leur disposition. (11 frimaire an IX—2 décembre 1800)

 

Dans de pareilles situations, on comprendrait si Baudin se laissait aller à montrer sa désapprobation et à faire des remarques acerbes;  mais, malgré son embarras, il maintient dans ses interactions avec les naturalistes une attitude calme et raisonnable.

A d’autres moments, Baudin s’abstient d’agir, jugeant que l’expérience sera plus utile à l’instruction de ses naturalistes qu’une intervention directe de sa part.  A Ténérife, le commandant doit arranger une navette pour satisfaire le désir d’aller à terre des naturalistes, inconscients du travail que cela représente:  “comme messieurs les savants ne connaissent pas encore assez les inconvénients d’avoir continuellement des embarcations à aller et venir, j’ai voulu attendre que l’expérience les eût convaincus des résultats qui seront bientôt la suite de leurs courses inutiles.”[12] (14 brumaire an IX—5 novembre 1800)  La patience de Baudin est souvent mise à rude épreuve, mais son sens de l’ironie l’aide dans bien des cas à surmonter son agacement et à éviter la confrontation.

La légende veut que l’atmosphère à bord du Géographe ait été empoisonnée par la mauvaise humeur de son capitaine, qui n’aurait pas su maintenir de bonnes relations avec ses officiers et naturalistes.  Mais il paraît d’autant plus injuste d’en attribuer la responsabilité à Baudin que, dans son comportement du moins, il a fait preuve d’une très grande tolérance à l’égard des erreurs et insuffisances de ses hommes.  Le ton qu’il adopte en leur faisant des remarques est parfois un peu sec ou cassant, mais Baudin garde généralement son calme, se contentant de signaler, non sans ironie ou espièglerie, l’absence de logique dans leurs arguments ou l’inconséquence de leurs actes.  Pendant le séjour en Tasmanie, par exemple, certains à bord du Géographe s’inquiètent du fait que leurs compagnons ont été envoyés à terre sans armes.  Baudin tente en vain de calmer les esprits en avançant des arguments rationnels, mais rien n’y fait.  En s’amusant de leur déconvenue, Baudin saisit l’occasion pour rappeler à ses hommes qu’ils ont gaspillé des munitions au cours de leurs parties de chasse:

Plusieurs personnes de bord, toujours ingénieuses pour se tourmenter ou pour importuner les autres, vinrent me faire part de leurs craintes sur le sort de ceux qui étaient à terre, en ce qu’ils étaient mal armés.  Ils ne voulurent pas se donner la peine de réfléchir qu’il y avait plus de quarante personnes dans le même endroit et que par le nombre seul ils n’avaient pas besoin d’armes.  Une observation si naturelle ne put cependant pas les tranquilliser, et leurs craintes en voyant venir les chaloupes dont nous eûmes connaissance sur les sept heures et demie ne cessèrent [que] quand elles furent à bord et qu’ils en eurent examiné et compté tout le monde.  Je ne pus m’empêcher de rire d’une faiblesse aussi ridicule dans ceux qui s’étaient mis en avant pour leurs représentations, et je me servis de cette occasion pour leur annoncer tout le danger auquel ils s’exposèrent en consommant en parties de chasse les munitions que je leur donnai pour leur propre défense et que leur dissipation m’avait fait supprimer. (11 pluviôse an X—31 janvier 1802)

 

On sent dans de telles circonstances que l’irritation n’est jamais loin de la surface.  Et toutefois, pendant la première “campagne” du moins—c’est-à-dire jusqu’à la relâche au Port Jackson (juin-novembre 1802)—, Baudin garde ses distances par rapport aux événements et reste au-dessus de la mêlée.  Le capitaine, c’est lui, et le ton pince-sans-rire qu’il adopte souvent en s’adressant à son personnel est un moyen d’affirmer sa propre autorité.  Nombreuses sont les occasions où le calme que lui donne son expérience de la mer et des hommes lui permet de sourire face aux inquiétudes et insuffisances qu’il constate chez ceux qu’il commande.  Quand les vigies annoncent des récifs à l’horizon dans la Baie du Géographe, par exemple, Baudin, dubitatif, décide d’aller voir ce qu’il en est.  Il comprend au bout d’un certain temps qu’il ne s’agit que d’un mirage, mais il n’arrive pas à en convaincre les nombreux “incrédules” à bord.  Pour les détromper, Baudin maintient le cap et se dirige directement vers l’obstacle imaginaire:  “Sur quatre heures du soir”, écrit-il, imperturbable, “nous passâmes toutes voiles dehors au milieu des récifs annoncés et sur lesquels nous avions vingt-huit brasses d’eau, fond d’un très beau sable gris et fin.” (12 prairial an IX—1er juin 1801)  Dans cette circonstance, un seul acte est plus éloquent que mille paroles.

Là où Baudin se montre moins tolérant, c’est lorsqu’il constate chez ses hommes un manque d’assuidité.  Le travail mal fait, ou pas fait du tout, suscite de sa part des observations tantôt ironiques, tantôt franchement sarcastiques, selon que la “faute” est jugée vénielle ou grave.  Quand il apprend que François Péron, qui est pourtant loin d’être le plus paresseux des naturalistes à bord, a négligé de noter les changements d’humidité, sa première réaction est de le taquiner.  Mais la réponse risible de Péron pousse Baudin à faire des réflexions bien moins enjouées:

Comme nous étions tous sur le gaillard entre cinq et six heures du soir à faire la conversation, elle tomba sur la grande humidité qu’il y avait la nuit.  Je demandai alors au citoyen Péron, qui était chargé de cette partie de nos observations, s’il continuait à les faire dans son lit parce qu’il en parlait, [ou] s’il l’eût observée sur le pont ou dans quelque autre partie du bâtiment.  Ce savant, dès notre arrivée à Timor, avait donné dans les coquilles à tête basse et même avec fureur, quoiqu’il n’eût aucune connaissance en ce genre.  Un limaçon, une nérite etc était un trésor pour lui, en sorte que, pour en ramasser avec profusion, il y employa tout son temps et négligea par ce moyen d’autres travaux qu’il aurait beaucoup mieux remplis que celui qu’il vient d’embrasser […].  Quoi qu’il en soit de l’avenir, comme il ne s’agit ici que de ce qui se passa hier, il vient bien que je voulais le plaisanter.  Mais pour se tirer d’affaire, il me dit que, comme sa mère ne faisait plus d’enfants et qu’il était tout l’espoir de [la] famille, […] il ne voulait pas se tuer à faire des observations la nuit […].  Ses réponses décousues et peu convenables pour un savant m’étonnèrent et, afin que la conversation n’eût pas de suites, je me bornai à lui dire:  “vous êtes bien le maître de travailler ou non, mais au moins ne trouverez-vous pas mauvais que je fasse suivre par d’autres le travail que vous n’auriez voulu autrefois leur laisser faire.” (11 frimaire an IX—2 décembre 1801)

 

De même, Baudin, dont les mœurs sont plus ascétiques, voit d’un mauvais œil le penchant pour le plaisir qu’il constate chez certains.  Dans ces cas-là, son ironie se fait bien autrement mordante.  Il s’irrite, par exemple, de l’habitude prise pendant les relâches de faire la grasse matinée—en partie parce que cela lui cause de nombreux inconvénients, mais également, on le devine, parce qu’il désapprouve le laisser-aller que cette pratique implique.  Pendant le séjour en Tasmanie, son agacement perce dans sa réponse à la demande que lui font Péron et Henri Freycinet:

A neuf heures, M. Freycinet voulut aller à terre au même lieu avec le citoyen Péron.  Je leur observai qu’en se levant plus de bonne heure que de coutume pour les jours de plaisirs, ils auraient pu profiter de l’embarcation qui [était] partie entre sept ou huit heures, ce qui eût beaucoup mieux convenu. (13 pluviôse an X—2 février 1802)

 

Baudin marque le point, mais il n’en arrange pas moins leur transport à terre.  Ainsi, même dans les cas où l’humour cède la place au sarcasme ou aux observations sardoniques, il est clair que Baudin se retient et qu’il continue de ravaler son mécontentement autant que faire se peut.

         Il ne s’agit pas de brosser du capitaine un portrait idéalisé:  ses traits d’esprit lui ont permis aussi de donner expression à son agacement et à sa désapprobation.  Mais Baudin n’était pas non plus un ours, et, dans ses interactions avec les autres, son emploi de l’humour lui permet d’éviter d’intervenir d’une manière plus sévère et autoritaire—quand il ne traduit pas tout simplement une attitude amusée et indulgente.  Les quelques exemples cités ci-dessus apportent un contrepoids aux accusations de ceux qui ont voulu présenter Baudin comme un homme grincheux et bourru.

Pour en venir maintenant aux réflexions que Baudin notait dans son Journal et qu’il ne rendait pas publiques, elles correspondent à un certain nombre de thèmes qui reflètent les valeurs morales et idéologiques du capitaine.  Et que son sourire soit franc ou grinçant, c’est encore une fois à travers ses différents traits d’esprit que Baudin se dévoile.  Le manque d’expérience des naturalistes est un thème récurrent dans les observations de notre vieux loup de mer, dont l’attitude oscille entre l’irritation et le rire franc.  Il y a certes de l’ironie, mais aucune trace d’amertume, dans sa description de l’excitation des naturalistes à la vue de quelques poissons volants:

Les savants, qui en voyaient sans doute pour la première fois, en furent si émerveillés qu’à chaque fois que le sillage du bâtiment en faisait sortir un de l’eau, celui de la compagnie qui l’avait aperçu le premier devenait un objet de considération pour les autres, et la direction ou l’étendue du saut qu’il faisait donnait lieu à une discussion scientifique qui se terminait sans avoir rien décidé mais par l’attention qu’on donnait à un autre qui se faisait voir. (26 brumaire an IX—17 novembre 1800)

 

La naïveté des réactions des naturalistes, et même de certains membres de l’état-major, produit parfois des scènes comiques qui amènent le sourire aux lèvres du commandant de l’expédition.  La première vue de Ténérife, après à peine deux semaines en mer, suscite le tohu-bohu général à bord du Géographe:

Au moment où nous eûmes connaissance de la terre, tous les savants et même la plupart des officiers furent si transportés de joie que tous ressemblaient à des fous.  Chacun appelait son camarade ou son voisin en sorte qu’il régnait à bord une confusion extrême.  Si un étranger eût été témoin de ce qui s’y passait et qu’il n’eût pas eu connaissance de notre départ d’Europe, il lui eût été impossible de ne pas croire que nous venions de faire une traversée au moins de six mois ou que nous manquions de tout ce qui est nécessaire.  Sur le soir, où la curiosité de tous fut un peu plus satisfaite, chacun fut chercher son porte-feuille et ses crayons et, de l’avant à l’arrière du bâtiment, on ne rencontrait que des dessinateurs. (10 brumaire an IX—1er novembre 1800)

 

Pour les naturalistes, dont la plupart se trouvaient en mer pour la première fois, tout était nouveau, tout était source d’émerveillement.  Baudin trouve plaisante leur ingénuité.  Après avoir souffert du mal de mer, par exemple, ils s’estiment heureux d’avoir récupéré si vite:  “Nos savants commencèrent à se bien porter et la plupart d’entre eux se félicitèrent d’en avoir été quittes à bon marché.”  Mais Baudin d’ajouter, en celui qui sait que des expériences bien autrement éprouvantes les attendent:  “Il est vrai aussi que nous n’avions pas eu ce qu’on appelle du mauvais temps ni la mer grosse.” (5 brumaire an IX—27 octobre 1800)  Rassurés par le retour du soleil et du beau temps, les savants affichent pour la suite du voyage un optimisme que leur capitaine sait être mal fondé:

Les naturalistes embarqués à bord, qui à cette époque se portaient tous bien, trouvaient cette manière de naviguer fort agréable, et il leur semblait que le beau temps ne devait plus finir parce que nous commencions à nous trouver dans les parages où le soleil commence à faire sentir une agréable chaleur. (8 brumaire an IX—30 octobre 1800)

 

C’est sans grande méchanceté que Baudin s’amuse ainsi de la naïveté de ses “savants”.  Mais on sent aussi qu’en notant leurs méprises, il affirme implicitement la valeur de sa propre expérience, ce qui lui permet par la même occasion d’affermir son autorité, ne serait-ce que pour lui-même.

C’est également grâce à sa grande expérience des hommes et de la mer que Baudin peut saisir le côté ridicule de certaines situations.  Comme tous les autres, il rit franchement et apparemment sans méchanceté d’une mésaventure dont François Péron se trouve la victime:

tout désagréable qu’il fut pour le citoyen Péron, [ce moment de distraction] ne laissa pas que de réjouir infiniment tous ses camarades de science et la plupart des officiers qui en furent témoins.  Sur les midi, le citoyen Péron, se trouvant dans la bouteille de bâbord à faire quelques observations avec le thermomètre, fut inondé par une lame qui le couvrit de la tête aux pieds […].  Cet accident, occasionné par la mer qui était fort houleuse, ne lui fit aucun mal apparent;  mais il se crut noyé sans ressource, et quand l’eau qui était entrée dans la bouteille se fut retirée, il trouva fort extraordinaire non seulement de se trouver vivant, mais même de n’avoir pas changé de place, car il lui avait semblé avoir été emporté au milieu de la mer. (26 brumaire an IX—17 novembre 1800)

 

Tout aussi ridicules pour Baudin, mais dans un autre registre, sont les craintes des habitants de l’Ile-de-France qui, en voyant approcher le Géographe et le Naturaliste, se croient menacés par l’ennemi.  N’ayant pas eu de réponse à ses signaux, Baudin se décide enfin à gagner l’entrée du port lorsqu’il aperçoit un canot qu’il juge être celui du pilote.  Interrogé sur le délai, l’officier qui le commande s’excuse auprès de Baudin en disant

que la vigie nous avait signalés pour bâtiments ennemis, et il nous ajouta que notre apparition avait jeté l’alarme dans l’île, à un tel point que toutes les troupes et [les] gardes nationaux avaient eu ordre de se rendre à leurs postes respectifs où ils avaient passé la nuit afin de s’opposer à la descente que l’on supposait que nous avions dessein d’effectuer.  Je ne pus m’empêcher de rire de la frayeur que des bâtiments aussi pacifiques que les nôtres avaient occasionnée et j’observai seulement à cet officier que notre manœuvre devait nous rendre d’autant moins suspects que nous avions eu toute la nuit, au mouillage que nous occupâmes, des feux à tous nos mâts, ce que ne font pas ordinairement des bâtiments qui, voulant commettre des hostilités, doivent au moins cacher leur position pour n’être pas incommodés par l’artillerie des forts sous lesquels ils se trouvent. (25 ventôse an IX—16 mars 1801)

 

Ce n’est pas la peur en tant que telle qui amuse Baudin mais le manque de logique et de bon sens.  Le sens du ridicule permet à Baudin de garder ses distances par rapport aux événements, même lorsque les conséquences sont des plus graves.  En Tasmanie, il note avec un apparent détachement que son géographe, qu’il avait envoyé relever des terres dans le grand canot, s’est perdu de vue parce qu’il souffre d’un handicap assez insolite chez quelqu’un qui exerce ce métier spécialisé:

le citoyen Boullanger, qui a malheureusement la vue très courte, ne pouvant faire des relèvements et prendre des angles que quand il a le nez sur la terre, s’embarqua [dans le grand canot] pour s’approcher plus près de la côte qu’on ne peut le faire avec un grand bâtiment.  Je lui recommandai bien expressément avant son départ de retourner à bord avant la nuit et de se placer de façon, relativement à nous, à ne le pas perdre de vue.  Toutes ces précautions furent inutiles.  A midi, on ne le voyait plus.  Il aura sans doute tellement couru à terre qu’il ne se sera arrêté que quand il n’aura plus eu le moyen de s’en approcher davantage. (15 ventôse an X—6 mars 1802)

 

C’est également sans émotion apparente, mais le sourire en coin, qu’il relate la crise vécue par un des naturalistes:  “Un de nos savants, et que je ne nomme pas, fut attaqué d’une maladie toute particulière.  La crainte de mourir le prit, et il se persuada que sa carrière était terminée.” (16 floréal an X—6 mai 1802)  Mais que l’on ne s’y trompe pas:  le ton pince-sans-rire que Baudin adopte en relatant ces incidents ne signifie pas qu’il soit insensible à tout ce que peuvent éprouver ses hommes—son angoisse lorsque leur vie est réellement en danger en témoigne.  Seulement, sa capacité à voir le côté risible de certaines situations lui donne du recul et le protège ainsi de tous les contretemps qui surviennent au quotidien et qui risqueraient de le distraire de sa mission.

C’est ce même souci du devoir à accomplir qui anime tous les jugements de valeur que Baudin porte sur ses officiers et ses naturalistes.  Le manque de zèle provoque des commentaires d’un caractère particulièrement mordant chez Baudin, surtout quand la sécurité du navire et de l’équipage s’en trouve compromise.  Comme nous l’avons vu, il supporte mal l’habitude prise pendant les relâches de faire la grasse matinée.  A la mer, la question du sommeil devient bien autrement grave.  Et pourtant, pendant les tempêtes, et alors que leur capitaine s’occupe des manœuvres, les officiers restent souvent couchés dans leurs lits.  Au cours de la première reconnaissance de la côte d’Australie occidentale, par exemple, l’équipage doit lutter sans l’aide de l’état-major contre une tempête qui dure toute la nuit:  “Tout le monde fut de quart”, note Baudin d’un ton acéré, “excepté les naturalistes, les aspirants et les officiers de la marine qui passèrent une très bonne nuit dans leurs chambres, et ne paraissaient que quand leur quart les appelait sur le pont, où ils étaient assez inutiles.” (14 messidor an IX—3 juillet 1801)  Dix jours plus tard, dans la Baie des Chiens Marins, le mauvais temps revient et Baudin se trouve obligé d’y faire face encore une fois sans le concours de ses officiers:

Alors [la tempête s’étant calmée], je fus prendre du repos, car il y avait vingt-six heures que j’étais sur le pont sans m’être reposé une seule fois.  J’observerai encore à cette époque qu’aucun des officiers excepté celui qui était de quart ne monta sur le pont, et les fréquentes bordées que nous fîmes ne les empêchèrent pas plus de dormir profondément que [si] nous eussions été dans la position la plus agréable. (24 messidor an IX—13 juillet 1801)

 

Le sommeil, dans ces circonstances, est un luxe dont Baudin se prive volontiers pour veiller sur les manœuvres de son bâtiment.  Mais pour son état-major, ce superflu-là semble être indispensable.

La question du sommeil n’est, bien entendu, qu’une illustration particulière d’un problème plus général:  le conflit entre l’indolence et le travail, entre le plaisir et le devoir.  C’est lorsque les membres de l’expédition lui paraissent négliger leur devoir que le commandant perd sa bonne humeur et que sa plume se fait plus acerbe.  Cette attitude moraliste envers le travail est sans doute le fruit d’un sens aigu du devoir chez Baudin.  Afin de mieux le comprendre, il est utile de rappeler ici ce que nous savons de sa vie et de sa carrière.  Né dans une famille de marchands de l’Ile-de-Ré, Baudin s’engagea dans la Marine nationale après avoir fait son apprentissage sur des navires de commerce.  Devenu officier en 1778, il obtint le commandemant de son premier navire en 1780, mais se vit aussitôt remplacer par un officier de naissance noble qui avait de toute évidence de meilleures relations.  Dégoûté par l’injustice dont il croyait avoir été victime, Baudin présenta sa démission et entama une carrière dans la marine marchande.  Au cours de ses nombreux voyages entre l’Europe et l’Amérique, il fit connaissance avec le jardinier de Joseph II, Franz Boos—rencontre décisive qui éveilla chez Baudin un intérêt particulier pour les voyages scientifiques.  Celui qu’il entreprit aux Antilles dans la Belle Angélique en 1796, sous les auspices du Muséum d’histoire naturelle et de son directeur, Antoine-Laurent de Jussieu, eut un succès retentissant et inspira chez Baudin l’idée d’une nouvelle expédition scientifique autour du monde—projet ambitieux qui finit par devenir l’expédition aux Terres Australes que nous connaissons.  Ce qui émerge de ces quelques détails biographiques, c’est l’image d’un self-made-man qui a dû batailler pour faire carrière et pour établir sa réputation de voyageur scientifique.  Et quand on considère son parcours, il n’est pas difficile d’imaginer que cet homme d’origine modeste ait gardé une dent contre l’establishment et contre ceux qui, comme la plupart de ses jeunes officiers, jouissaient de privilèges qu’ils devaient non pas à leur mérite mais à leur naissance.  Dans ce contexte, son respect pour le travail prend tout son sens;  il va de pair avec une certaine méfiance à l’égard de l’oisiveté et de la poursuite du plaisir.

En ce qui concerne le voyage aux Terres Australes, le sens du devoir chez Baudin est aiguisé par le fait qu’il commandait une expédition dont il avait lui-même été l’instigateur.  Il se sentait donc doublement responsable.  On comprend alors le ton sardonique que Baudin adopte quand il constate un manque de zèle chez les hommes sous ses ordres, surtout quand des tâches essentielles sont négligées au profit de passe-temps qu’il juge improductifs ou hédonistes.  A chaque relâche, par exemple, il est de la première importance de s’approvisionner en eau et en bois, mais les hommes de Baudin préfèrent souvent des activités plus divertissantes.  En Tasmanie, ils gaspillent leur temps et leurs munitions à faire la chasse:

[Notre chaloupe] avait […] été expédiée dès le matin pour porter nos barriques à terre et les remplir, et en partant à huit heures de bord dans mon petit canot je m’attendais à les trouver chacun à l’ouvrage lorsque j’arriverais.  Mais en cela je me trompais beaucoup car, ayant doublé une pointe qui m’en dérobait la vue, je la reconnus [la chaloupe] occupée à la poursuite des cygnes au lieu d’être dans l’endroit où elle avait eu ordre de se rendre. (3 pluviôse an X—23 janvier 1801)

 

Le lendemain, Baudin renouvelle l’expérience:

 

Notre chaloupe, que j’attendais à la marée du soir, ne vint point, par la négligence sans doute de l’officier qui la commande, qui se sera peut-être trouvé à la chasse au moment où il fallait partir, comme il s’y trouva à celui où il fallait arriver. (4 pluviôse an X—24 janvier 1801)

 

Exaspéré, Baudin prend des mesures pour mettre fin à ces mauvaises habitudes:

 

En allant comme en revenant à bord, nous ne vîmes aucun cygne ni pélican, ce que j’attribuai à la grande quantité de coups de fusil qu’on avait tirés depuis trois jours.  Les personnes qui étaient destinées à protéger la chaloupe au cas de besoin, imitant la conduite de l’officier qui la commandait, se répandaient dans les bois aussitôt arrivées à terre et n’en revenaient plus que pressées par la faim ou n’ayant plus de munition.  Comme je fus témoin de ce qui se passa au second voyage de la chaloupe, je me décidai à ne plus donner aux gens qui s’y trouveront pour l’avenir d’armes à feu et bornerai leur défense à celle d’un sabre… (5 pluviôse an X—25 janvier 1801)

 

Que les hommes aient parfois envie de se détendre, au cours d’un long voyage, et que leur attitude envers le travail ne soit pas toujours des plus enthousiastes, voilà qui n’est guère surprenant.  Baudin était d’ailleurs tout à fait conscient de la nécessité de ménager des moments de détente pour son équipage.  Il avait pris le plaisir suffisamment au sérieux pour organiser un bal tous les soirs pendant la longue traversée de Ténérife à l’Ile-de-France, suivant les recommandations de Bernardin de Saint-Pierre concernant le moral et la santé à bord.[13]  Mais lorsque le travail est pressant et que l’on évite de faire son devoir Baudin se montre peu compréhensif.  D’où son exaspération, dans la Baie des Chiens Marins, quand ceux qui se disaient malades se guérissent comme par miracle à la perspective d’un peu de plaisir:

Dans le premier canot qui nous arriva se trouvèrent nombre de chasseurs et plusieurs personnes malades quand il s’agit de faire le service à bord, mais qui trouvèrent des forces pour courir toute la journée à la chasse par la plus grande ardeur du soleil. […] Je pensai que [le grand canot] pourrait faire deux voyages dans le courant de la journée, mais comme au second il fallut embarquer tous les inutiles qui nous avaient été envoyés et qui comptaient rester la nuit à terre, cela l’empêcha de faire le service auquel je le destinais. (21 messidor an IX—10 juillet 1801)

 

La gourmandise est une autre forme d’indulgence qui, pour Baudin, est incompatible avec les rigueurs d’un long voyage en mer au service du gouvernement et de la science.  Mais après tout, qu’y a-t-il de mieux à faire, quand on a fini de chasser, que de boire et de mijoter quelques bons petits plats?  Quand Baudin décide d’aller inspecter l’observatoire qui a été établi dans une petite île en Tasmanie pour permettre à l’astronome de vérifier les montres, il est scandalisé par ce qu’il découvre:

Je vis avec regret et même avec déplaisir que ce lieu allait devenir le cabaret des deux bâtiments et une communication continuelle avec les bâtiments, car cinq embarcations s’y rendirent pendant que j’y étais, ou du moins les personnes qu’elles transportaient comme celles qui les conduisaient.  Dans une île qui n’a pas plus de 25 à 30 pieds de long sur 15 dans sa plus grande largeur, il y avait sept ou huit cuisines différentes et je fus informé que la veille on avait manqué d’y être tous brûlés avec la tente et les instruments, parce que, les différents feux d’une cuisine à l’autre s’étant communiqués, il avait pris aux herbes.  Heureusement, les vents étaient de terre, car autrement tout était perdu. (5 pluviôse an X—25 janvier 1802)

 

Pendant le deuxième séjour en Tasmanie, en mai 1802, la gourmandise est à l’origine d’un incident tragi-comique que Baudin note avec un ton typiquement pince-sans-rire.  Après la reconnaissance prolongée et difficile de la côte sud de la Nouvelle Hollande, plusieurs membres de l’équipage souffrent de maladies diverses, et surtout de la dysenterie.  La relâche en Tasmanie offre la possibilité de se reposer et de manger à sa faim.  Une bonne prise de poissons produit, cependant, des effets inattendus:

Je fus prévenu pendant la journée par le médecin que plusieurs de nos malades étaient plus mal que de coutume, malgré que le temps fût doux et peu humide.  J’en fus d’autant plus surpris qu’il m’avait semblé que les circonstances devaient accélérer leur guérison plutôt que d’augmenter leur mal.  D’après l’avis que je venais de recevoir, je cherchai à en savoir la cause et je parvins à en découvrir la raison, qui est qu’à l’exemple des gourmands, ils avaient tant mangé de poissons que la plupart en avaient eu des indigestions.  Ceux qui n’avaient point été attaqués avant de la dysenterie en furent quittes pour souffrir un peu des maux de ventre qu’ils eurent.  Mais ceux qui l’avaient déjà eue et qui n’en étaient pas guéris furent attaqués de nouveau, et il est fort douteux qu’ils en reviennent.

Mon cuisinier, sans être dans ce dernier cas, mais qui était malade depuis trois mois et conséquemment au régime, s’en donna tant qu’il eut une indigestion qui lui fit terminer sa carrière le jour même de notre départ. (3 prairial an X—23 mai 1802)

 

S’il y a des jours de faste, au cours du voyage, il y a aussi, et bien plus souvent, des jours de famine.  Quand la reconnaissance des côtes se prolonge et que les provisions viennent à manquer, le capitaine doit distribuer celles-ci plus parcimonieusement.  De telles mesures ne sont pas pour plaire aux officiers, qui sont prompts à s’en plaindre auprès du commandant.  Baudin, on ne s’en étonnera pas, n’a pas la moindre sympathie pour ceux qui souffrent de ces prétendues privations:

Comme il nous restait encore beaucoup de choses à faire sur la côte de la Nouvelle Hollande et qu’il ne nous restait pas plus de deux mois d’eau, je jugeai convenable de commencer de bonne heure à la retrancher.  C’est-à-dire qu’au lieu de donner deux bouteilles et demie par homme on n’en donna plus que deux.  Ce n’était pas sans doute un retranchement bien considérable puisqu’on en donnait encore plus que ne le prescrit l’ordonnance dans les voyages de long cours.  Cependant, cela fit des mécontents, non pas parmi les matelots mais dans une autre partie.  Quoi qu’il en soit, cela ne changera rien à la détermination que j’ai prise à ce sujet, étant persuadé qu’on peut bien se passer de prendre du thé et du café deux fois par jour. (27 germinal an X—17 avril 1802)

 

Même lorsque les rations sont conformes aux ordonnances, les officiers trouvent que ce n’est pas suffisant.[14]  Baudin, qui est toujours le premier à faire des sacrifices quand la situation l’exige, ne tolère pas une telle attitude, et d’autant moins qu’il estime le travail effectué par l’état-major peu exténuant:

M. Freycinet, chef de la gamelle de l’état-major, vint me dire qu’il était impossible qu’ils pussent vivre avec la ration ordinaire et telle que les ordonnances l’accordent à tout le monde.  D’après le compte qu’il me montra, on avait consommé dans la décade tout ce qui leur revenait pour un mois.  J’observai à M. Freycinet combien il nous mettrait dans l’embarras si l’on continuait sur ce pied en lui disant que dans six mois la table de l’état-major aurait à elle seule consommé tous les vivres qui étaient à bord, et que mon devoir me prescrivait impérativement d’avoir autant de soin pour les matelots, qui étaient des gens de peine et de fatigue, que pour les officiers, qui ne paraissaient sur le pont que quatre heures par jour. (10 nivôse an X—31 décembre 1801)

 

Un voyage de découvertes n’est pas une partie de plaisance, mais telle n’est pas, selon Baudin, l’attitude de ses officiers.[15]  Que les naturalistes, eux aussi, aient du mal à se plier aux rigueurs de la vie en mer, voilà qui est sans doute un peu plus compréhensible.  Mais le fait qu’ils ne modifient pas leur comportement au cours du voyage exaspère Baudin, dont les commentaires se font de plus en plus sarcastiques.  A l’ancre dans la Baie des Eléphants à l’Ile King, le capitaine ironise sur le spectacle peu édifiant de leurs préparatifs pour aller à terre:

Le grand canot partit aussi pour transporter les savants, leur science et leurs bagages, car ces messieurs ne marchent qu’avec pompe et magnificence.  Les cuisiniers et leurs ustensiles, les pots, les casseroles et les marmites, encombrèrent tellement le canot que tous ne purent y songer et qu’il fallut en mettre une partie dans la chaloupe. (18 [19] frimaire an XI—10 décembre 1802)

 

Pour le capitaine, l’attirail des “savants” est devenu tout aussi futile et encombrant que leur science.  Le dépit de Baudin s’explique par le contraste entre le caractère frivole, dans les circonstances, de cette préoccupation avec le confort matériel et les objectifs si nobles et si altruistes qui avaient donné à l’expédition son souffle initial.

Ce dont Baudin se méfie surtout, c’est du bel esprit et des belles paroles, surtout de la part de ceux qui n’ont aucun goût pour le travail sérieux et assidu.  Le chirurgien major, dont c’est pourtant la responsabilité, se montre peu enclin à surveiller le changement des habillements et des lits de l’équipage.  Le capitaine doit donc s’en occuper à sa place, ce qui suscite des commentaires d’un sarcasme évident:  “Comme c’est un faiseur de phrases et de brochures, il prépare sans doute quelque nouvelle production qu’il ne manquera pas d’envoyer à l’imprimerie par la première occasion.” (11 nivôse an IX—1er janvier 1801)  L’attitude de Baudin est parfaitement bien résumée par le contraste qu’il établit entre le travail consciencieux de son jardinier Guichenot et la tendance à la spéculation oisive qu’il attribue au zoologiste Péron et au botaniste Leschenault, lors du séjour dans le Port du Roi George:

D’après le rapport du jardinier, il avait ramassé pendant son séjour à terre plus de cent cinquante espèces différentes de plantes et compilé soixante et huit pots de vivantes.  C’était de l’ouvrage et non pas de l’esprit.  J’espère que les citoyens Péron et Leschenault auront composé soixante pages d’écriture qui, par une raison contraire, seront de l’esprit et point d’ouvrage.[16] (6 ventôse an XI—25 février 1803)

 

Or, si l’on n’a pas de mal à déceler dès le départ de l’expédition une moue de scepticisme chez le commandant à l’égard de son équipe de savants, il n’en est pas moins vrai que son attitude évolue au cours du voyage.  Les observations qu’il fait sur ses naturalistes pendant la première moitié de l’expédition sont caractérisées par une ironie qui est parfois moqueuse, certes, mais qui s’accompagne souvent d’un sourire franc et peu amer;  pendant la deuxième “campagne”, en revanche, c’est-à-dire après le séjour au Port Jackson, son sourire fait place à un rictus moqueur et Baudin verse de plus en plus dans le sarcasme et la dérision.  Toutefois, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette évolution n’est pas le signe d’une réalité quotidienne faite d’affrontements continuels entre Baudin et ses naturalistes.  Bien au contraire, l’attitude de plus en plus sarcastique que l’on note dans son Journal reflète une certaine résignation de la part du capitaine, ou tout au moins un sentiment grandissant de détachement par rapport à sa cohorte de savants—le fruit, sans aucun doute, des exaspérations et frustrations accumulées au cours de l’expédition en ce qui concerne leur manière d’aborder leur travail.  Et s’il donne libre cours à son agacement dans son Journal, c’est justement pour éviter les confrontations directes, que de toute façon il juge futiles désormais.

Baudin, qui incarne les valeurs de l’expédition et qui s’applique à sa tâche avec un dévouement exemplaire, a tôt fait de comprendre que tous ne partagent pas au même point son sens du devoir.  S’il se montre critique dans son appréciation du travail des naturalistes, son jugement des officiers est encore plus sévère, puisque ceux-ci sont des professionnels de la mer.  En Tasmanie, par exemple, Baudin a lieu de reprocher à l’aspirant Brue non seulement d’avoir mis deux jours à remplir les barriques, mais en outre de les avoir remplies avec de l’eau d’un si mauvais goût, puisqu’il n’a pas voulu attendre la marée basse, que tout doit être jeté à la mer.  Brue explique à son capitaine qu’il a réglé sa conduite sur celle d’un officier du Naturaliste, qui en avait fait autant.  Exaspéré, Baudin note sèchement dans son Journal:  “Je pense d’après cela qui si cet officier eût eu la fantaisie de mettre le feu dans sa chaloupe, il en eût fait autant pour l’imiter.” (11 pluviôse an X—31 janvier 1802)  L’absence de zèle de Brue fait contraste avec la diligence d’un Bonnefoi qui, trois jours auparavant, avait été chargé de la même corvée et qui, note Baudin, “fit dans quatre heures de calme ce que les autres n’avaient pas pu faire dans quarante-huit heures de beau temps.” (8 pluviôse an X—28 janvier 1802)  Un des rares officiers sur lesquels Baudin peut compter, et dont la conduite zélée tranche avec celle de ses compagnons, c’est l’ingénieur Ronsard.  Lui aussi réussit là où d’autres, par manque d’application, ont échoué:

[Ronsard] avait enfin trouvé le ruisseau d’eau douce que les autres avaient longtemps et inutilement cherché. […] Cette nouvelle me fut infiniment agréable sous ce rapport, mais elle ne servit qu’à me prouver combien on doit peu compter sur la vigilance et l’exactitude d’une recherche confiée souvent à un officier qui ne voit que son prompt retour à bord quand il est chargé d’une mission qui ne lui est pas agréable. (1er pluviôse an X—21 janvier 1802)

 

Baudin, comme nous l’avons vu, a souvent lieu de se plaindre du comportement de ses officiers, et ce, dès les premiers mois de l’expédition.  Mais les volumes de son Journal de mer qui correspondent à la deuxième campagne constituent un véritable catalogue de réflexions désobligeantes à leur endroit.  Ce que Baudin trouve particulièrement agaçant, ce sont les airs de supériorité qu’ils affichent et qui jurent, selon lui, avec leur ignorance.  Peu après le départ du Port Jackson, le Naturaliste fait une mauvaise manœuvre et manque d’entrer en collision avec le Géographe.  Baudin ne cache pas son mécontentement:  “Je fus prévenu que c’était le citoyen Heirisson et n’en fus conséquemment pas surpris car, quoiqu’il se croie très savant comme marin, il sait à peine orienter ses voiles et nullement se sortir d’un mauvais pas quand il s’y est engagé.” (9 frimaire an XI—30 novembre 1802)  Baudin réserve quelques-unes de ses épigrammes les plus caustiques pour le capitaine du Casuraina, Louis Freycinet.  Lorsque celui-ci, envoyé reconnaître les deux golfes au nord de l’Ile aux Kangourous, tarde à rentrer, malgré le temps favorable, Baudin note avec un certain cynisme:  “le Casuarina ayant été constamment favorisé par les vents, je m’attendais à le voir arriver incessament, si toutefois il s’est conformé à l’instruction que je lui ai donnée, ce qui dans mon opinion est fort douteux en ce que les officiers se croient toujours plus savants que ceux sous les ordres desquels ils servent.” (29 [28] nivôse an XI—18 janvier 1803)  C’est surtout à travers son choix d’épithètes que Baudin montre son sarcasme et son mépris:  ses “savants officiers”, comme les naturalistes, ne sont que des “amateurs du plaisir” et des “mangeants à table” qui ne méritent pas le respect auquel leur rang et leur fonction devraient leur donner droit.

Ceux qui ont critiqué Baudin, à commencer par François Péron lui-même, ont prétendu qu’il était l’ennemi de la science, que ses attitudes étaient foncièrement anti-intellectuelles.  Ennemi de la science, il ne l’était certes pas.  En témoigne l’assiduité avec laquelle il surveillait la collection des spécimens et leur préservation—sans parler de son rôle dans la conception même de l’expédition.  Anti-intellectuel, il ne l’était que dans la mesure où il ne supportait pas ceux qui se livraient à des théories purement spéculatives.  Autant il se méfiait des belles paroles quand elles n’avaient d’autre fondement qu’elles-mêmes, autant il appréciait et admirait le savoir qui était le fruit du labeur et de la réflexion.  Dans son Journal de mer, il distingue clairement entre les deux, réservant ses traits les plus acérés pour ceux qui ne s’appliquent pas à leur tâche de manière sérieuse et soutenue.  L’ironie de Baudin est ainsi le signe de son attachement aux valeurs d’une expédition dont il a été le premier à comprendre toute l’importance.  Mais aussi, le ton pince-sans-rire ou ironique qu’il adopte dans son journal, ses observations sardoniques et parfois même franchement sarcastiques, jouent pour lui le rôle de garde-fou.  Son humour, qui lui sert d’exutoire, l’aide à vider sa bile et à maintenir un peu de distance par rapport aux frustrations et irritations, petites et grandes, qui émaillent son quotidien.  Enfin, le sourire grinçant de Baudin, tout en lui permettant de (ré)affirmer son autorité de capitaine, rend le capitaine français plus proche qu’on ne le penserait des habitants modernes du pays qu’il a exploré et qu’il a contribué à faire connaître.  Après tout, exception faite de sa tendance à se plaindre des autres, cet humour laconique et tout empreint d’ironie, ce ton moqueur, ce sens du ridicule, cette méfiance à l’égard du bel esprit, ce souci égalitaire pour le bien-être des matelots et ce mépris pour les privilèges dont jouissent les officiers, ne sont-ce pas là des traits qui pour beaucoup définissent le caractère national des Australiens?  Dans l’histoire de l’expédition Baudin, ce ne serait pas la dernière des ironies.



[1] Frank Horner, The French Reconnaissance. Baudin in Australia 1801-1803 (Carlton: Melbourne University Press, 1987).

 

[2] J.B.G.M. Bory de Saint-Vincent, Voyage dans les quatre principales îles des mers d’Afrique, fait par ordre du gouvernement, pendant les années neuf et dix de la République (1801 et 1802), avec l’histoire de la traversée du capitaine Baudin jusqu’au Port-Louis de l’île Maurice (Paris: F. Buisson, an XIII [1804]).

 

[3] François Péron et Louis Freycinet, Voyage de découvertes aux Terres Australes (Paris: 1807-1816 [3 vols + 3 atlas]).

 

[4] Voir à ce sujet Jean Fornasiero & John West-Sooby, “Baudin’s Books”, Australian Journal of French Studies, XXXIX, 2 (2002), p. 216, note 3.

 

[5] Pour les questions de navigation, voir F. Horner, pp. 93-96.  J. Fornasiero, P. Monteath & J. West-Sooby défendent la réputation de Baudin sur le plan scientifique dans Encountering Terra Australis. The Australian Voyages of Nicolas Baudin and Matthew Flinders, 1800-1803 (Kent Town: Wakefield Press, 2004), ch. 17.  Le rôle joué par Baudin dans le domaine de l’anthropologie est examiné par Miranda Hughes, “Philosophical travellers at the ends of the earth:  Baudin, Péron and the Tasmanians”, in R.W. Home (ed.), Australian Science in the Making (Cambridge: CUP, 1988), pp. 23-44.  O.H.K. Spate avait brièvement évoqué la question de la navigation ainsi que l’intérêt de Baudin pour la science en général et pour l’anthropologie en particulier dans son article:  “Ames Damnées:  Baudin and Péron”, Overland, 58 (1974), pp. 52-57 (voir surtout p. 54).

 

[6] Voir, par exemple, Horner, pp. 104-106.

 

[7] O.H.K. Spate, qui parle des “unpleasant pleasantries” de Baudin (art. cit., p. 55), est un de ceux qui ne semblent pas avoir compris le côté enjoué de l’ironie et de l’humour noir de Baudin.

 

[8] Horner, pp. 103-104.

 

[9] Lettre reproduite dans son Journal de mer (entrée datée du 14 brumaire an IX—5 novembre 1800).  Le manuscrit du Journal de mer de Baudin se trouve dans les Archives Nationales sous la cote:  Marine 5JJ 36-40 (5 vols).  La State Library of South Australia détient sur microfilm une copie du journal (série ARG 1).  Pour faciliter la lecture tout en respectant les besoins de la recherche, chaque extrait du Journal de mer sera suivi de deux dates—celle du calendrier républicain et son équivalent dans le calendrier grégorien.  Signalons enfin que l’orthographe et la ponctuation du texte de Baudin ont été standardisées et modernisées.

 

[10] Incident rapporté par le lieutenant Gicquel dans son journal (12-13 janvier 1801—22-23 nivôse an IX).

 

[11] Horner, pp. 111-112.

 

[12] Voir aussi le commentaire suivant:  “J’ai eu beau représenter à la plupart de mes officiers et aux savants qui sont à bord les inconvénients qui ne manqueraient pas de résulter de leur demande d’être conduits à terre deux et plus souvent trois fois par jour.  Bien loin d’avoir égard à ce que je leur disais, ils semblaient au contraire vouloir y aller plus souvent et, sous prétexte de s’instruire dans un pays très connu pour qu’il n’y ait rien de nouveau à y apprendre, ils allaient et venaient comme on va et vient d’une foire.” (23 brumaire an IX—14 novembre 1800)

 

[13] Le mémoire de Bernardin de Saint-Pierre est reproduit dans Jacqueline Bonnemains (éd.) Mon voyage aux Terres Australes. Journal personnel du commandant Baudin (Paris: Imprimerie Nationale, 2000), pp. 50-52.

 

[14] Sur la difficile question de la nourriture au cours de l’expédition, voir Jean Fornasiero & John West-Sooby, “An appetite for discovery:  the culinary adventures of Nicolas Baudin and Matthew Flinders in Terra Australis, 1800-1804”, in A.L. Martin and B. Santich (eds), Gastronomic Encounters (Brompton: Eastside Publications, 2004), pp. 21-34.

 

[15] Il faut cependant reconnaître que l’attente des officiers en matière de nourriture était basée sur les arrangements beaucoup plus généreux dont avaient bénéficié leurs prédécesseurs au cours des expéditions les plus récentes (par exemple, celle de La Pérouse).  Pour une discussion plus détaillée de ce point, voir l’article précité de Jean Fornasiero et John West-Sooby:  “An appetite for discovery”, p. 27.

 

[16] Cf. “Le jardinier, qui n’est pas un des savants, sut néanmoins trouver quatre plantes nouvelles que nous n’avions pas rencontrées ailleurs.” (30 floréal an X—20 mai 1802).

 

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *